Suspension en référé d’un arrêté préfectoral d’évacuation : la nécessité de prouver l’introduction « à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte »

TA Montreuil, 2 octobre 2023, N°2310622

Les occupants sans titre d’un local appartenant à une société devaient quitter les lieux sous 7 jours.

Un arrêté avait été pris sur le fondement de l’article 38 alors même que le propriétaire avait aussi assigné lesdits occupants en expulsion devant le juge judiciaire.

Nombre d’entre eux, ainsi qu’une association, forment un référé-suspension.

Le tribunal reconnait leur intérêt à agir et celui de l’association. L’objet statutaire de cette dernière comprenait la promotion de la solidarité et la lutte contre la paupérisation et le mal logement. Son champ d’intervention est jugé ne pas être limité à un seul quartier.

Le tribunal constate que la décision crée une situation d’urgence eu égard à son objet et ses effets, à savoir, contraindre ses destinataires à quitter les lieux sous 7 jours au risque d’être expulsés par une décision du préfet pouvant intervenir à tout moment.

De plus, un doute sérieux existe quant à la question de savoir si les occupants se sont introduits et maintenus dans les lieux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. La préfecture se prévalait du déclenchement à plusieurs reprises du système d’alarme de l’immeuble, concomitant à leur présence dans les lieux depuis mi-décembre. Le tribunal estime que cet élément de preuve ne suffit pas à tenir pour établie la voie de fait. A cela s’ajoute que la mention de traces de pesée sur la porte d’entrée, dans l’arrêté, est susceptible d’être à l’origine d’une erreur de fait, et non seulement constitutive d’une erreur matérielle, comme le soutenait le préfet. Enfin, la commissaire de justice s’étant déplacée sur les lieux n’avait pas constaté d’introduction par voie de fait.

Ces différents éléments faisant naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté, et la condition d’urgence étant par ailleurs satisfaite, le tribunal ordonne la suspension de son exécution.

TA de Montreuil,  2 octobre 2023, n°2310622