La loi protégeant les logements contre l’occupation illicite, largement conforme à la Constitution
Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-853 DC du 26 juillet 2023
Le 27 juin 2023, le Conseil constitutionnel est saisi par soixante parlementaires de la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite dont le texte définitif a été adopté par le Sénat treize jours plus tôt. S’appuyant sur des moyens de droit, ils contestent la conformité à la Constitution d’un grand nombre des dispositions de la loi « Kasbarian-Bergé ». Cette saisine constitue le dernier épisode d’une forte mobilisation du milieu associatif qui reproche au législateur une loi qui criminalise les plus précaires sans jamais aborder les causes réelles de la crise du logement. A l’occasion de cette saisine, trente-cinq organisations déposeront, devant le Conseil des Sages, une « porte étroite » (l’équivalent d’une intervention volontaire) pour en soutenir l’inconstitutionnalité. Le 27 juillet 2023, celui-ci déclare la loi « partiellement conforme » à la Constitution. Elle est promulguée le lendemain.[1]
Cette partielle conformité révèle en réalité la censure d’une disposition et une réserve d’interprétation.
La censure. Le juge constitutionnel déclare contraire à la Constitution l’article 7 de la loi déférée en ce qu’il modifie l’article 1244 du code civil. Cette disposition prévoyait de libérer le propriétaire d’un bien immobilier occupé illicitement de son obligation d’entretien et de l’exonérer de sa responsabilité en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien de ce bien. Le Conseil a jugé que cette exonération portait « une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine ».
La réserve d’interprétation. Le juge constitutionnel n’a pas retenu les griefs soulevés par les parlementaires à l’encontre du paragraphe I de l’article 6 de la loi déférée en ce qu’il ajoute un alinéa à l’article 226-4 du code pénal qui punit la violation de domicile. En définissant ce dernier comme « tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non », les auteurs de la saisine ont craint que le législateur n’ait adopté des dispositions imprécises contrevenant au principe de légalité des délits et des peines. Il n’en est rien selon le Conseil constitutionnel qui rappelle pourtant au point 49 de sa décision que : « la présence de tels meubles ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, permettre, à elle seule, de caractériser le délit de violation de domicile. Il appartiendra dès lors au juge d’apprécier si la présence de
ces meubles permet de considérer que cette personne a le droit de s’y dire chez elle ».
Outre ces deux dispositions, le Conseil n’a retenu aucun autre grief ni émis aucune autre réserve quant aux dispositions de la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (dite loi « PLOI »), entrée en vigueur le 29 juillet 2023.
Pour aller plus loin :
Fondation abbé pierre, « Loi Kasbarian-Bergé : la Constitution, dernier refuge des personnes sans domicile et mal logées », Communiqué de presse du 7 juillet 2023 [Accessible ici].
DERDEK Noria, « La loi protégeant les logements contre les occupations illicites : une aporie », AJDI ; septembre 2023, pp. 585-590.