Droit à l’hébergement d’urgence : une course à la vulnérabilité arbitrée par le Conseil d’Etat

CE, juge des référés. Ordonnance du 10 août 2023, n°476638

La Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) demande l’annulation d’une ordonnance du TA de Grenoble qui enjoignait le préfet de l’Isère de proposer à M. A., ressortissant étranger, un lieu d’hébergement susceptible de l’accueillir. En donnant raison aux services du ministère, en annulant le jugement du tribunal, le juge des référés du Conseil d’Etat confirme une jurisprudence particulièrement restrictive en matière d’hébergement d’urgence.

Le CE rappelle qu’il appartient aux autorités de l’Etat, sur le fondement des dispositions du CASF (L. 345-2, L. 345-2-2 et L. 345-2-3), « de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale ».  Le défaut d’application de ce droit pourrait faire apparaître une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de L. 521-2 du Code de justice administrative.

Toutefois, la juridiction administrative suprême limite l’effectivité du droit à l’hébergement d’urgence en appréciant dans chaque cas les diligences et les moyens mis en œuvre par l’administration.

En l’espèce, le juge des référés expose que le taux d’occupation du parc d’hébergement de l’ensemble des départements de la région est « très proche des 100% » et que par conséquent le taux de réponses favorables du 115 se situe entre 3 et 26%… M. A, jeune homme isolé, ne peut donc être hébergé « compte tenu de la présence de personnes et de familles encore plus vulnérables ».[1] 


[1] Cette décision est loin d’être un cas isolé. Au mois de juillet 2023, à Grenoble, six jeunes non-pris en charge par le Conseil départemental ont demandé à être hébergés. Le Conseil d’Etat a systématiquement annulé le jugement de première instance en raison de la saturation du dispositif régional d’hébergement d’urgence [Voir les décisions ici]. 

CE, juge des référés. Ordonnance du 10 août 2023, n°476638