Conformité de la procédure d’expulsion de l’article 38 Loi « DALO » à la Constitution

Conseil constitutionnel. Décision n°2023-1038 QPC du 24 mars 2023

La requérante, soutenue par la Fédération nationale Droit au logement, la Fondation Abbé Pierre, le Syndicat de la magistrature et le Secours catholique-Caritas France, contestait la constitutionnalité des dispositions de l’article 38 de la loi « DALO » du 5 mars 2007[1] modifié par la loi « ASAP » du 7 décembre 2020[2]. Ces dernières instituent une procédure administrative d’expulsion des occupants sans titre d’un logement (résidence principale ou non) sans prévoir d’examen contradictoire de leur situation personnelle et familiale, ni de recours suspensif garantissant qu’un juge se prononce avant qu’il ne soit procédé à leur évacuation. En outre, seule l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général peut amener le préfet à ne pas engager la mise en demeure, une hypothèse extrêmement restreinte. 

La procédure est ainsi bien plus souple que celle de droit commun définie à l’article L. 411-1 du CPCE, et plus expéditive : la décision d’évacuation est prise en 48 heures par le préfet, son délai d’exécution est fixé à 24 heures. Dès lors, Mme Z. – victime en l’espèce d’une escroquerie au faux bail, soutient notamment que ces dispositions méconnaissent le droit au recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration de 1789.

Le Conseil constitutionnel rejette ce grief. Il considère que « le caractère non suspensif d’une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif » et ajoute que « les dispositions contestées ne privent pas l’occupant de la possibilité d’introduire un référé » citant les articles L. 521-1, L. 521-2 et L. 521-3 du CJA. Pourtant, comme le rappelle Me Matteo BONAGLIA lors de son intervention orale, le délai de jugement dans le cadre d’un référé liberté est de 48 heures, comment dès lors soutenir que la décision d’évacuation par le préfet exécutée dans les 24 heures peut faire l’objet d’un tel recours ? Sans compter le temps nécessaire pour trouver un avocat, préparer sa défense et obtenir une audience devant la juridiction administrative.[3] Dans ses conclusions relatives à la transmission par le Conseil d’Etat de la QPC, le rapporteur public M. Florian Roussel n’hésite d’ailleurs pas à souligner que « cette procédure n’a donné lieu qu’à un faible nombre de recours devant les tribunaux »[4].

Toutefois, le Conseil constitutionnel assortit sa décision d’une réserve d’interprétation. En effet, il précise que les dispositions contestées, notamment celles prévoyant l’empêchement de la mise en demeure pour motif impérieux d’intérêt général, « ne sauraient être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l’occupant dont l’évacuation est demandée ».

[1] Loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

[2] Loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

[3] L’intervention orale de Me Matteo BONAGLIA, ainsi que l’ensemble de l’audience sont à retrouver sur le site du Conseil constitutionnel, accessible ici.

[4] Ces conclusions sont consultables ici.

Conseil constitutionnel. Décision n°2023-1038 QPC du 24 mars 2023