Violation du droit au procès équitable dans le cadre d’une procédure d’expulsion de terrain en référé

CA_Paris_27-01-22_21-18122

Une société forme un référé d’heure à heure en vue d’obtenir l’expulsion de familles vivant sur un terrain lui appartenant. La date d’audience étant fixée dans un délai de quarante-huit heures, l’avocate des défendeurs sollicite le renvoi de l’affaire, ayant déjà une autre audience fixée à cette date. L’audience a lieu malgré tout, et la demande de réouverture des débats en cours de délibéré est rejetée. Le juge de première instance prononce l’expulsion sans délai des défendeurs. Ceux-ci interjettent appel de l’ordonnance devant la Cour d’appel, invoquant notamment la violation du droit au procès équitable protégé par l’article 6 de la CESDHLF[1].

Celle-ci retient que le délai de quarante-huit heures laissé par le premier juge au conseil des défendeurs était insuffisant pour lui permettre d’organiser la défense de ses clients. En effet, la Cour rappelle que le juge doit s’assurer qu’un temps suffisant entre l’assignation et l’audience s’est écoulé pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense[2]. Elle précise que : « Aussi, alors que la nature du litige ne justifiait pas un délai de traitement aussi rapide, le premier juge a contrevenu au principe de la contradiction en retenant l’affaire deux jours seulement après la délivrance de l’assignation au défendeur. ». La Cour annule l’ordonnance et statue au fond, confirmant à ce titre l’expulsion des appelants. Concernant la demande délais, la Cour retient l’existence d’une voie de fait et écarte donc l’application du délai de deux mois pour quitter les lieux à compter de la signification du commandement de quitter les lieux. Néanmoins, elle octroie le bénéfice de la trêve hivernale aux appelants en considérant d’une part qu’il ne s’agissait pas en l’espèce du domicile d’autrui, et d’autre part, que malgré l’existence d’une voie de fait : « (…) il ne sera pas fait usage de cette faculté compte tenu de la situation très précaire des occupants, appartenant à la communauté du voyage, et du contexte sanitaire actuel. ». Enfin, la Cour accorde un délai de grâce[3] de trois mois aux appelants compte tenu de leur appartenance à un groupe socialement défavorisé rencontrant des difficultés d’insertion et du fait que le propriétaire ne justifie d’aucune urgence à récupérer la jouissance de sa parcelle du fait d’un quelconque projet en cours.

[1] Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales

[2] Article 486 du Code de procédure civile.

[3] Article L412-3 et 4 du Code des procédures civiles d’exécution.