SUSPENSION EN REFERE D’UN ARRETE D’EVACUATION EN L’ABSENCE DE RISQUE GRAVE ET IMMINENT POUR LES HABITANTS OU LES TIERS
T.A. Cergy-Pontoise, ordonnance n°2108257 du 30 juin 2021
T.A. Montreuil, ordonnance n°2111057 du 19 août 2021
Dans la première espèce, les habitants d’un terrain sont mis en demeure de quitter les lieux sous 48h par un arrêté municipal d’évacuation. Le maire n’ayant mis en œuvre aucune mesure de diagnostic social, les habitants forment un référé suspension contre l’arrêté.
Le juge relève d’abord que la condition d’urgence est remplie car : « (…) en dépit du caractère récent de l’installation du campement, au début du mois de juillet, l’exécution de l’arrêté litigieux est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à la situation du requérant et de sa famille (…). Il ajoute que le fait que le requérant ait introduit la requête le 12 août alors que l’arrêté litigieux, datant du 30 juillet, n’a été affiché que le 3 août, n’est pas de nature à lui dénier son caractère d’urgence. Ensuite, il retient que la quasi-totalité de l’emprise du campement se situe dans une zone d’aléa moyen ou faible correspondant à un risque d’effondrement modéré, et que : « Au demeurant, eu égard à la nature des installations présentes sur le campement, qui consistent, (…) en quelques abris précaires en bois et deux ou trois tentes, le non-respect des prescriptions du plan de prévention des risques naturels de la commune (…) ne permet pas de caractériser un risque grave ou imminent pour leurs occupants ou les tiers. ». De plus le juge relève que l’arrêté mentionne la présence de fontis[1] alors qu’aucun rapport n’en fait état[2].
Par ailleurs, il retient que la localisation et les conditions d’occupation du terrain ne permettent pas de caractériser un risque grave ou imminent pour les occupants ou pour des personnes extérieures. En effet, le juge relève qu’il n’y pas d’habitations aux alentours, que les habitants ont accès à l’eau grâce à une fontaine publique, à l’assainissement grâce à l’installation de toilettes sèches, qu’ils disposent d’un groupe électrogène pour l’électricité et ont aménagé une cuisine indépendante munie d’une bouteille de gaz. Le juge rappelle aussi qu’il n’est pas démontré que l’occupation cause des nuisances. Il note enfin que la commune n’a procédé à aucune évaluation des conséquences de l’expulsion et de la situation particulière des habitants, et juge que : « Par suite, ni la nécessité ni la proportionnalité de la mesure n’étant démontrée, l’arrêté litigieux porte, en l’état de l’instruction, une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et à l’intérêt supérieur de l’enfant. ». Le juge ordonne donc la suspension de l’arrêté.
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Dans la seconde espèce, des personnes vivant sur un terrain appartenant à un syndicat mixte d’aménagement sont mises en demeure de quitter les lieux sous un délai de 72h par un arrêté municipal d’évacuation. Ceux-ci forment un référé liberté en vue d’obtenir la suspension dudit arrêté.
Concernant la condition d’urgence, le juge rappelle que : « Lorsque le requérant fonde son action non sur la procédure de suspension régie par l’article L521-1 du Code de justice administrative mais sur la procédure particulière instituée par l’article L521-2 de ce code, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d’urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par l’article L521-2 soient remplies, qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures. ». Le juge relève ainsi que la condition est remplie car les requérants vivent avec leurs enfants et une trentaine d’autres personnes dans des cabanons de fortune sur le terrain litigieux et n’ont pu bénéficier d’aucune solution de relogement ni mesure d’accompagnement. Dès lors selon le juge, l’arrêté est de nature à porter une atteinte grave et manifestement excessive à une liberté fondamentale. A cet égard, il relève que le la motivation de l’arrêté repose sur le fait que l’installation met en danger la vie des occupants et de la population environnante car elle porte des atteintes graves et immédiates à l’ordre public. Toutefois, il retient qu’en l’espèce, aucun des éléments de l’instruction ne démontre l’existence d’un trouble à la sécurité, la salubrité ou la tranquillité publique. Il conclut donc à la suspension de l’arrêté en affirmant que puisque le péril grave et imminent n’est pas démontré et que l’évacuation est prévue sans mise en œuvre de mesures d’accompagnement ou de relogement, l’arrêté porte bien une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et familiale.
[1] Effondrement de terrain dû par exemple à la déliquescence d’une galerie souterraine.
[2] En l’espèce, un rapport d’huissier, un rapport du service communal d’hygiène