Répartition des compétences entre l’Etat et le département en matière d’hébergement d’urgence

CE, 13 juillet 2016, n°388317

Le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis met fin à la prise en charge des frais d’hébergement de Madame au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Le tribunal administratif, saisi d’un recours pour excès de pouvoir, ordonne l’annulation de cette décision de prise en charge. Le département saisit alors le Conseil d’Etat.

Madame est une mère isolée avec deux enfants, elle a été contrainte de quitter le domicile familial suite à des violences conjugales. Elle a bénéficié d’aides financières mensuelles pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à l’hôtel. La décision de fin de prise en charge du 30 juin 2014 est motivée par le fait que le dernier enfant a eu trois ans.

> Etendue de la compétence du département au titre de l’ASE et de l’Etat, en matière d’hébergement d’urgence

Le Conseil d’Etat rappelle que « sont en principe à la charge de l’Etat les mesures d’aides sociales relatives à l’hébergement des familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, à l’exception des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin, notamment parce qu’elles sont sans domicile, d’un soutien matériel et psychologique, dont la prise en charge incombe au département au titre de l’aide sociale à l’enfance en vertu de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles (CASF).

Toutefois, cette compétence de l’Etat n’exclut pas l’intervention supplétive du département lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l’exigent, par des aides financières versées en application de l’article L. 222-3 CASF, y compris, le cas échéant, pour permettre d’assurer temporairement le logement de la famille, lorsqu’une telle intervention apparaît, dans l’intérêt même des enfants, préférable, notamment, à une prise en charge de ces derniers hors de leur milieu de vie habituel par le service de l’aide sociale à l’enfance. Dès lors, et sans préjudice de la faculté qui lui est ouverte de rechercher la responsabilité de l’Etat en cas de carence avérée et prolongée, un département ne peut légalement refuser à une famille avec enfants l’octroi ou le maintien d’une aide entrant dans le champ de ses compétences, que la situation des enfants rendrait nécessaire, au seul motif qu’il incombe en principe à l’Etat d’assurer leur hébergement. »

Enfin, le Conseil d’Etat précise que « dès lors que ne sont en cause ni des mineurs relevant d’une prise en charge par le service d’ASE[…], ni des femmes enceintes ou des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans […], l’intervention du département ne revêt qu’un caractère supplétif, dans l’hypothèse où l’Etat n’aurait pas accompli les diligences qui lui reviennent, et ne saurait entraîner une quelconque obligation à la charge du département dans le cadre d’une procédure d’urgence qui a précisément pour objet de prescrire, à l’autorité principalement compétente, les diligences qui s’avèrent nécessaires. »

En l’espèce, le juge considère que Madame a bénéficié d’une aide financière, sous la forme d’allocations mensuelles, destinée au paiement de ses frais d’hébergement à l’hôtel. La prestation est donc une aide à domicile au sens des articles L. 222-2 et L. 222-3 CASF, et non une prise en charge au sens de l’article L. 222-5 CASF. Le juge précise que le département, avant de mettre fin au versement de cette aide, doit « examiner la situation particulière de la famille et s’assurer de l’existence d’une solution alternative ». En l’espèce le Conseil d’Etat donne raison au tribunal administratif qui avait annulé la décision de fin de prise en charge ASE. Le Conseil d’Etat considère que le département aurait dû procéder à un examen particulier de la situation de la famille, pour s’assurer de l’existence de solutions alternatives de nature à éviter que la santé ou la sécurité des enfants ne soient menacées.