Rejet de la demande d’expulsion à défaut de solutions d’hébergement alternatives
TA Lille, 1er septembre 2016, n°1606080
La Métropole de Lille demande au juge des référés d’ordonner l’expulsion de jeunes migrants occupant un jardin public depuis juin 2015. Un bidonville s’est ainsi constitué afin que les mineurs isolés et jeunes majeurs, qui ne font pas l’objet d’une prise en charge en hébergement au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ou de l’asile, puissent s’y abriter.
Contrairement à ce qu’invoque la Métropole, le juge constate que l’accès à l’eau potable et l’hygiène est précaire mais existant. Le ramassage des ordures est assuré par la ville, le nettoyage du terrain par les occupants. Les occupants peuvent bénéficier, auprès d’un centre d’accueil proche du jardin, de douches, d’un vestiaire, de repas. Un réseau associatif et citoyen apporte une aide pour les vêtements, les soins, et les loisirs.
Le juge constate la défaillance des autorités publiques malgré l’afflux de personnes migrantes dont le territoire fait l’objet et les efforts entrepris.
Le juge rejette la demande d’expulsion de la Métropole au motif que les occupants n’ont pas de solution d’hébergement alternative et qu’une expulsion aurait pour conséquences de placer ces jeunes migrants « dans une précarité encore plus grande en les contraignant à l’errance et en les privant de tous les soutiens et services dont ils ont pu bénéficier jusqu’à présent ». Le juge précise que la demande d’expulsion ne pourrait être accueillie que si « un abri, un couvert et un minimum d’hygiène, sous une forme ou une autre, sont proposés aux occupants du jardin par les autorités compétentes en application des dispositions […] du code de l’action de l’action sociale et des familles ».
Le juge précise que la Métropole, qui n’est pas « débitrice des solutions de relogement » mais qui « subit les conséquences d’une occupation illégale de son domaine public », avant d’engager une nouvelle action, devra « se rapprocher de l’Etat, du département du Nord et de la ville de Lille, afin de rechercher et de mettre en œuvre, dès que possible et avant l’entrée du froid, les mesures appropriées pour mettre fin à une situation contraire à la dignité de la personne humaine ».
Le juge rappelle que « certaines de ces autorités, bien que n’en ayant pas juridiquement l’obligation […] pourraient tout à fait légalement, dans l’intérêt général et dans celui de ces jeunes en particulier, afin de leur éviter des traitements inhumains et dégradants prohibés par l’article 3 de la CEDH, à laquelle l’Etat français est partie, décider d’intervenir, par la mise à disposition de terrains, moyens matériels ou financiers notamment, pour soutenir les autorités compétentes qui doivent faire face à une situation inédites et hors normes ».