Le nu-propriétaire n’a pas qualité pour agir dans le cadre d’une action en validité d’un congé pour reprise

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 janvier 2022, 20-20.223, Publié au bulletin – Légifrance

Un propriétaire a fait donation de son logement à un nu-propriétaire en conservant la qualité d’usufruitier. Le nu-propriétaire après avoir mis le logement en location, délivre un congé reprise à la locataire au profit de sa belle-fille. L’usufruitier intervient lors de l’audience au soutien de cette demande. La Cour d’appel ayant validé le congé et prononcé l’expulsion de la locataire, celle-ci forme un pourvoi auprès de la Cour de cassation. Elle fait grief à l’arrêt d’avoir retenu que le nu-propriétaire avait qualité pour agir en validation du congé et en expulsion au motif que l’usufruitier était intervenu pour soutenir l’action, et qu’en raison de sa qualité de bailleur le nu-propriétaire pouvait se prévaloir du congé reprise au bénéfice de sa belle-fille.

 

Sur le premier moyen, au visa des articles 595 du Code civil et 122, 329 et 330 du Code de procédure civile, la Cour rappelle que  » (…) Seul l’usufruitier, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, peut, en sa qualité de bailleur, agir en validité du congé pour reprise, et que le défaut de qualité à agir constitue une fin de non-recevoir. » Il ajoute que pour écarter cette fin de non-recevoir l’usufruitier aurait dû intervenir à titre principal et non à titre accessoire[1], et que dès lors la Cour d’appel a violé les textes précités en retenant le contraire. Sur le second moyen, la Cour de cassation tranche au visa des articles 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 et 595 du Code civil, en relevant que seul l’usufruitier, en sa qualité de bailleur, peut délivrer un congé pour reprise et agir en validité du congé en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée. Dès lors, il retient que : « Par l’effet combiné de ces dispositions, les conditions de la validité du congé pour reprise ne peuvent être appréciées qu’au regard du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et l’usufruitier. « .

 

Or en l’espèce, la Cour d’appel a retenu que le congé respectait les conditions légales car le nu-propriétaire bailleur démontrait un lien familial avec la fille de sa concubine notoire, alors qu’aucun lien n’était établi entre l’usufruitier propriétaire et la bénéficiaire de la reprise. Selon le juge la Cour d’appel a donc violé les textes susvisés et casse l’arrêt.

[1] « L’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, elle est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie. » (Articles 329 et 330 du Code de procédure civile).