LA SUPPRESSION DE L’OBLIGATION D’ENVOI PAR LRAR DE LA NOTIFICATION DE L’AMENDE FORFAITAIRE DELICTUELLE EN CAS D’INSTALLATION ILLICITE SUR LE TERRAIN D’AUTRUI VIOLE PLUSIEURS DROITS FONDAMENTAUX
Décision du Défenseur des droits du 24 janvier 2022, n°2022–004
L’association protestante des amis des tziganes a saisi la Défenseure des droits au sujet du décret n°2021–
1093 du 18 août 2021 supprimant à l’article D45–4 du code de procédure pénale l’obligation d’envoi par
lettre recommandée de la notification de l’amende forfaitaire délictuelle. Cet article prévoit désormais l’envoi
de l’avis d’infraction par lettre simple. Le délit d’installation illicite sur le terrain d’autrui (article 322–4–1 du
code pénal) est concernée.
Les dérogations aux principes généraux de la procédure pénale induits par la procédure de l’amende
forfaitaire délictuelle. La procédure d’amende forfaitaire délictuelle est une procédure dérogatoire selon laquelle l’officier du ministère public, lorsqu’il constate la commission d’un délit, adresse un avis d’infraction sans procédure
contradictoire. C’est à la personne concernée de contester cet avis afin d’avoir accès à une procédure
contradictoire. L’amende forfaitaire délictuelle déroge donc à plusieurs principes de droit pénal et de
procédure pénale parmi lesquels l’individualisation des peines, la présomption d’innocence ou encore le
principe du contradictoire et les droits de la défense.
La Défenseure des droits rappelle que ces exceptions aux principes de la procédure pénale sont admis
uniquement pour les infractions de faible importance qui peuvent être constatées de manière purement
matérielle et qui font l’objet d’une sanction légère. Or, en l’espèce, l’amende peut être fixée jusqu’à 3 000
euros (articles 495–17 et 131–13 du code de procédure pénale).
La Défenseure des droits estime également, comme le Conseil constitutionnel[2], que ce délit devrait exiger
la caractérisation d’un élément intentionnel, la personne poursuivie n’étant pas nécessairement en mesure
de savoir qu’elle n’avait pas le droit d’occuper le terrain concerné.
L’atteinte aux droits de la défense, au droit à l’accès au juge et au droit au recours juridictionnel effectif
L’envoi de l’avis d’infraction par lettre simple ne permet pas de garantir sa réception par l’intéressé qui peut
toutefois faire l’objet d’un recouvrement puis d’une exécution forcée, l’envoi faisant courir les délais de
paiement et de contestation. Cela porte atteinte au droit d’accès à un tribunal concret et effectif.
La prescription des délits est de 6 ans. L’envoi par lettre simple de l’avis d’infraction ne permet pas de
s’assurer de sa bonne réception par le destinataire qui peut légitimement avoir changé d’adresse et donc
ne jamais l’avoir reçu.
L’incompétence du pouvoir réglementaire
L’article 34 de la Constitution confie au législateur le pouvoir de fixer les normes concernant les crimes, les
délits, la procédure pénale et les garanties procédurales. Le pouvoir exécutif n’avait pas le pouvoir de
prendre une telle mesure.
Des dispositions discriminatoires
Cette procédure, qui contrevient au droit à un procès équitable, s’applique spécifiquement aux « gens du
voyage » créant une discrimination indirecte et une violation combinée des articles 6 et 14 de la CESDH
Décision du Défenseur des droits du 24 janvier 2022, n°2022-004