La procédure d’expulsion doit donner lieu à un contrôle de proportionnalité entre le respect au droit à la vie privée et familiale et le droit de propriété

CA de Versailles, 16 novembre 2017, n°1606433

Par décision en date du 22 juillet 2016, le Tribunal d’Instance de Puteaux prononce l’expulsion d’occupants sans droits ni titre d’un local en leur accordant un délai de six mois pour quitter les lieux. Les occupants font appel de cette décision en demandant notamment à la Cour de procéder à un examen de proportionnalité de la mesure d’expulsion au regard de leur droit au respect de la vie privée et familiale.

La Cour rappelle que l’occupation sans droit ni titre d’un logement constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 849 du Code de procédure civile justifiant une procédure de référé.  Elle indique cependant que ce trouble est à examiner au regard des exigences de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme relatif au respect de la vie privée et familiale et de l’interprétation qui en est fait par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Winterstein et autres contre France du 17 octobre 2013.

Elle en conclut que dans le cadre d’une procédure d’expulsion, les requérants doivent : « bénéficier d’un examen de proportionnalité de l’ingérence de leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile ».

En l’espèce, la Cour estime que l’expulsion n’a pas des conséquences disproportionnées au regard des circonstances particulières (locaux commerciaux utilisés à usage d’habitation, projet de réhabilitation envisagée par la commune, impératifs de santé et de sécurité publique).

Elle accorde cependant des délais supplémentaires aux occupants pour quitter les lieux afin de permettre aux enfants de terminer l’année scolaire et de poursuivre leur suivi médical.

ZOOM SUR L’ARRÊT WINTERSTEIN ET AUTRES C.FRANCE, CEDH, 13 OCTOBRE 2013

Dans cette affaire, les requérants étaient installés depuis de très nombreuses années dans des caravanes, bungalows et cabanes situés sur un terrain municipal. Les juridictions françaises les condamnent à évacuer le terrain dans un délai de trois mois sous astreinte. Ils saisissent la Cour européenne des droits de l’homme pour faire reconnaître l’atteinte à la vie privée causée par une telle expulsion.

Dans un arrêt rendu le 17 octobre 2013 (req. N°27013/07), la CEDH estime que l’obligation faite aux requérants d’évacuer le terrain constitue une ingérence dans leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile. Elle considère que les juridictions nationales ont accordé une prépondérance à la violation des règles d’urbanisme, sans les mettre en concurrence avec les arguments des requérants notamment l’ancienneté de l’occupation.

La Cour conclut à une violation de l’article 8 de la Convention dans la mesure où les requérants n’ont pas bénéficié, dans le cadre de la procédure d’expulsion, d’un examen de proportionnalité.