La Charte européenne des droits fondamentaux est contraignante

L’Union accorde à la Charte des droits fondamentaux la même valeur juridique que les traités (art. 6 TUE) donnant ainsi « force de loi » au droit à l’aide sociale et à l’aide au logement, notamment, dans toute l’Union européenne.

Plusieurs articles nous intéressent :

– article 1 : dignité humaine

– article 6 : droit à la liberté et à la sûreté

– article 7 : respect de la vie privée et familiale

– article 17 : droit de propriété

– article 34 : droit à une aide au logement.

Ces droits sont interprétés à la lumière des textes et de la jurisprudence européenne particulièrement constructive développée par la CourEDH sur le fondement de la Convention et le CEDS sur le fondement de la Charte sociale européenne révisée.

Une plaquette d’Housing Rights Watch attire notre attention sur l’utilité de la procédure du « renvoi préjudiciel » pour clarifier la nature et la portée de ces droits dans le champ du droit de l’Union et de sa mise en œuvre par les Etats membres. Le réseau européen apporte son aide au fondement et à la formulation de questions préjudicielles destinées à promouvoir le droit au logement dans l’Union européenne et en France (housingrightswatch@gmail.com).

La Cour de justice de l’Union européenne vient de rendre un de ses premiers arrêts interprétant l’article 34 de la Charte européenne des droits fondamentaux.

Elle conclue que l’aide au logement est une prestation essentielle sur laquelle les Etats membres ne peuvent déroger au principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne les résidents de longue durée dans leur pays (Kamberaj, 24 avril 2012, C-571/10 et les conclusions de l’avocat général).

Mr Kamberaj est un ressortissant albanais résidant et occupant un emploi stable dans une province italienne depuis 1994 et titulaire d’un permis de séjour à durée indéterminée.

Il a bénéficié d’une aide au logement de 1998 à 2008. Sa demande d’aide est rejetée en 2009 au motif que le budget destiné aux ressortissants de pays tiers était épuisé.

Parmi les questions posées :

Le droit de l’Union fait-il obstacle à une réglementation nationale ou régionale qui prévoit pour l’octroi d’une aide au logement un traitement différent pour les ressortissants de pays tiers résidents de longue durée de celui réservé aux citoyens de l’Union ?

La différence de traitement :

Le mode de calcul est différent défavorisant cette catégorie (coefficient réduisant le budget disponible pour les ressortissants tiers).

Champ d’application de la Directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée

L’article 11 §1 d) prévoit que les résidents de longue durée bénéficient d’une égalité de traitement en ce qui concerne la sécurité sociale, l’aide sociale et la protection sociale telles que ces notions sont définies pas la législation nationale.

Il n’y a donc pas de définition autonome et uniforme au titre du droit de l’Union : respect des différences qui subsistent entre les Etats quand à la définition et la portée exacte en cause. Toutefois, les Etats ne peuvent pas faire échec à l’effet utile de la directive.

La directive précise respecter les droits fondamentaux et observer les principes de la Charte européenne des droits fondamentaux. En déterminant les mesures de sécurité sociale, d’aide sociale et de protection sociale, les Etats membres doivent respecter ces droits et observer ces principes. Dont l’article 34 de la Charte aux termes duquel l’Union, et les Etats membres lorsqu’il mettent en œuvre de droit de l’Union, « reconnait et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement… ».

L’aide au logement relève de la sécurité sociale, l’aide sociale et la protection sociale couverts par l’égalité de traitement prévu par l’article 11 §1 d).

L’article 11 §4 permet-il à la province italienne de limiter l’application du principe de cette égalité de traitement ? En effet, en matière d’aide sociale et de protection sociale, les États membres peuvent limiter l’application du principe aux prestations essentielles.

Le fait qu’aucune référence expresse n’est faite aux aides au logement n’implique pas que celles-ci ne constituent pas des prestations essentielles auxquelles le principe d’égalité de traitement doit nécessairement être appliqué. La dérogation prévue au §4 du même article doit être interprétée de manière stricte.

L’article 11 §4 doit être compris comme permettant aux États membres de limiter l’égalité de traitement, à l’exception des prestations d’aide sociale ou de protection sociale octroyées par les autorités publiques, que ce soit au niveau national, régional ou local, qui contribuent à permettre à l’individu de faire face à ses besoins élémentaires tels que la nourriture, le logement et la santé.

Conformément à l’article 34 de la Charte, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Dans la mesure où l’aide en cause remplit la finalité énoncée par la Charte, elle doit être considérée comme faisant partie des prestations essentielles.

Réponse :

L’article 11 §1 d) de la directive 2003/109 s’oppose à une réglementation nationale ou régionale qui prévoit, en ce qui concerne l’octroi d’une aide au logement, un traitement différent pour un ressortissant de pays tiers bénéficiaire du statut de résident de longue durée par rapport à celui réservé aux nationaux résidant dans la même province ou région…

Aussi :

62. L’article 6, paragraphe 3, TUE ne régit pas la relation entre la CEDH et les ordres juridiques des États membres et ne détermine pas non plus les conséquences à tirer par un juge national en cas de conflit entre les droits garantis par cette convention et une règle de droit national.

63. Il convient donc de répondre à la deuxième question que la référence que fait l’article 6, paragraphe 3, TUE à la CEDH n’impose pas au juge national, en cas de conflit entre une règle de droit national et la CEDH, d’appliquer directement les dispositions de ladite convention, en écartant l’application de la règle de droit national incompatible avec celle-ci.