INTERDICTION DES COUPURES OU REDUCTION DU DEBIT D’EAU

TI Limoges, 6 janvier 2016, n°15-001264

Le 14 octobre 2015, la société SAUR réduit le débit d’alimentation en eau au domicile de Madame, du fait d’une facture impayée. Madame, soutenue par des associations, assigne la société en référé.

Le juge rappelle que les dispositions de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles (CASF) interdisent le débit et la réduction d’eau. Il rappelle la position du Conseil constitutionnel sur l’illégalité des coupures et des réductions du débit d’eau, qui considère que ces dispositions consistent à s’assurer qu’aucune personne en situation de précarité ne puisse être privée d’eau, dès lors que l’accès à l’eau répond à un besoin essentiel de la personne et poursuit ainsi l’objectif à valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent (décision 2015-470 QPC du 29 mai 2015).

Le juge ordonne à la société SAUR de rétablir le débit normal d’eau au sein du domicile concerné dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Si les requérants ne rapportent pas la preuve de leur préjudice matériel, le juge condamne la société à leur verser la somme de 1 000 euros à titre de provision.

>> Voir article Carole NIVARD, « La garantie d’un accès à l’eau devant le Conseil Constitutionnel », AJDA 2015, p. 1704

TI Puteaux, 15 janvier 2016, n°12-15-000236

Du 24 février au 11 mai 2015, Véolia a interrompu totalement la fourniture en eau du domicile de Madame, la contraignant à des achats importants de bouteilles d’eau et l’utilisation de la laverie automatique.

Depuis le 11 mai 2015, Veolia a procédé à une réduction du débit fourni.

Madame et la Fondation France Libertés assignent la société Veolia en référé.

Le juge, en se fondant sur les dispositions des articles L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles (CASF) et l’article 1er du décret du 13 août 2008 rappelle que l’interruption de la fourniture d’eau est interdite pour une résidence principale en cas d’impayés et ce toute l’année.

Le juge rappelle que la société Veolia et sa filiale ne peuvent se prévaloir de l’application d’une disposition d’un règlement de service pour contrevenir à leurs obligations légales.

Il affirme que la mise en place d’un débit réduit aboutit aux mêmes conséquences qu’une coupure d’alimentation de sorte que cette pratique doit être assimilée à une interruption de la fourniture d’eau.

Le juge ordonne le rétablissement de l’alimentation normale en eau, sans dispositif de réduction du débit, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Le juge reconnaît l’existence d’un préjudice moral en tenant compte des faibles ressources de Madame ainsi que de ses préoccupations de santé sérieuses sur la période concernée. Le juge relève que la coupure et réduction du débit consistait à obtenir le recouvrement d’une créance, plutôt que toute autre voie légale de recouvrement. La société Veolia et sa filiale sont condamnées à payer à Madame la somme de 4 000 € au titre du préjudice moral et la somme de 500 € à la Fondation France Libertés au titre de son préjudice.

TI Avignon, 18 mars 2016, n°12-16-000419

Un couple avec deux enfants en bas âge voient leur débit d’eau réduit par la société avignonnaise des eaux (SAE)-Veolia avec laquelle Madame a passé un contrat. La SAE a procédé à la réduction du débit d’eau depuis le 8 mars 2016 au motif que Madame n’avait pas réglé la somme de 170 euros. A ce montant, s’est ajouté le montant de 140 euros correspondant aux frais de réduction et de remise au débit normal.

Le couple ne dispose que de faibles ressources. La réduction du débit d’eau empêche le déclenchement de la chaudière privant la famille d’eau chaude et de chauffage.

Le juge, statuant dans le cadre d’un référé d’heure à heure, après examen des dispositions légales et règlementaires à la lumière des débats parlementaires, considère que la réduction du débit d’eau pour impayés est manifestement illicite. Il ordonne à la Société Avignonnaise des Eaux de rétablir dans la journée un débit normal, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Le juge considère qu’il y a lieu d’allouer une somme de 2 500 € à Madame, au titre du préjudice matériel et moral qu’elle a subi.