DEFINITION DE LA NOTION D OCCUPANT DU CHEF OCTROI DE 18 MOIS DE DELAIS EN RAISON DE LA FRAGILITE DES PERSONNES VIVANT EN BIDONVILLE S ET DE L IMPOSSIBILITE D ACCEDER A DES CONDITIONS D HABITAT PLUS DIGNES

TJ Paris, 22 juillet 2022, n°22/80671

Par une ordonnance en date du 24 juin 2021, le juge des référés avait constaté l’occupation illicite d’un terrain appartenant à la ville de Paris, avait ordonné l’expulsion et avait accordé des délais. Les occupants sans titre ont ensuite saisi le juge de l’exécution pour l’octroi de délai supplémentaires.

Dans cette instance, la Ville de Paris contestait le fait que des personnes non défenderesses à l’instance qui a abouti à l’ordonnance susvisée aient sollicité l’octroi de délais. En répondant à ce grief, la juge en profite pour définir la notion d’occupant du chef et son intérêt. Elle indique que cette notion doit être interprétée comme visant les personnes dont l’expulsion a été autorisée « qu’elles aient été ou non parties à l’instance ayant abouti à l’ordonnance du 24 juin 2021. Cela sera d’ailleurs à n’en pas douter l’interprétation de la Ville de Paris lorsqu’elle fera procéder à l’expulsion, puisqu’à défaut, il faudrait considérer que la Ville de Paris ne dispose d’un titre qu’à l’encontre des parties désignées par l’ordonnance de référé et qu’elle ne pourrait donc procéder à l’expulsion d’éventuels autres occupants, ce qui ne mettrait pas fin à l’occupation illicite. La mention « occupants de leur chef » vise à permettre l’expulsion de toute personne installée sur l’emprise dont la libération est poursuivie, y compris celles qui n’auraient pas été parties à l’instance ayant abouti à la décision d’expulsion. ».

Elle conclut que toute personne installée sur le lieu de vie informel litigieux peut solliciter des délais.
Concernant les délais, la juge indique que :
– les communautés vivant en bidonville sont fragilisées ;
– leur relogement difficile ;
– ils sont en situation de précarité administrative et financière ;
– le délai accordé par le juge des référés et laissé depuis est de fait non suffisant malgré les nombreuses démarches effectuées ;
– aucun trouble à l’ordre public a été rapporté.

Elle ajoute que :
« Il serait […] paradoxal de rejeter une demande de délai à raison du caractère dangereux et insalubre si cette décision doit avoir pour conséquence de les contraindre à vivre dans la rue ou dans un autre campement du même type où ils devraient reconstruire les mêmes baraquements avec encore moins de moyens puisqu’ils auraient d’abord perdu leurs maigres possessions. »

Elle précise enfin que la Ville de Paris ne fait pas état d’un besoin de disposer de la parcelle occupée et décide donc d’octroyer un délai de 18 mois.

TJ Paris, 22 juillet, 2022, n°2280671

 

La jurisprudence est divisée à ce sujet, la position de cette juge n’est pas majoritaire. Pour en savoir plus : https://www.jurislogement.org/recueil-de-jurisprudence-relatif-aux-droits-des-habitants-de-terrains-et-squats/