Condamnation de la France par la CEDH pour l’absence de prise en charge des mineurs non accompagnés dans la lande de Calais

AFFAIRE KHAN c. FRANCE

Un jeune afghan de 12 ans a quitté son pays afin de solliciter l’asile au Royaume Uni. Arrivé en France en septembre 2015, il se rend à Calais dans l’espoir de rejoindre l’Angleterre. A défaut de prise en charge par le Département, il s’installe dans une cabane dans la lande sud de Calais. En février 2016, il saisit le juge des enfants qui nomme un administrateur ad hoc et le confie provisoirement au service de l’aide sociale à l’enfance. Pourtant aucune solution de mise à l’abri ne lui est proposée. Lors du démantèlement de la lande, sa cabane est détruite. Sans proposition de prise en charge par les services de l’Etat et du département, le mineur s’installe dans un abri de fortune. La CEDH est saisie au titre de la violation des articles 3 (traitements inhumains et dégradants) et 8 (respect de la vie privée et familiale et du domicile) de la Convention.

Intervenus dans la procédure, le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le GISTI et la Cabane juridique dénoncent les conditions de vie indigne dans la lande de Calais, les dangers auxquels les mineurs s’y trouvent exposés, ainsi que les insuffisances dans la prise en charge des mineurs non accompagnés. Se référant à son arrêt Rahimi c. Grèce (n°8687/08, 5 avril 2011), la Cour constate que : « le requérant a vécu durant plusieurs mois dans le bidonville de la lande de Calais, dans un environnement totalement inadapté à sa condition d’enfant, que ce soit en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins, et dans une précarité inacceptable au regard de son jeune âge. ». La Cour en conclut que : « ces circonstances particulièrement graves et l’inexécution de l’ordonnance du juge des enfants destinée à protéger le requérant, examinées ensemble, constituent une violation des obligations pesant sur l’Etat défendeur, et que le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention est atteint. ». La Cour rejette l’argumentation du gouvernement arguant que le requérant n’avait pas permis l’exécution de la mesure de protection en omettant d’indiquer aux services compétents le lieu où il se trouvait.

En conséquence, la Cour constate la violation de l’article 3 par la France et condamne l’Etat français à verser au requérant la somme de 15 000 € au titre du préjudice moral subi. La Cour ne s’exprime toutefois pas sur la violation de l’article 8 de la convention en estimant avoir examiné la principale difficulté juridique soulevée par la requête.