Annulation d’un congé pour reprise frauduleux

TI Paris, 29 décembre 2015, n°738/2015

Un bailleur privé délivre un congé pour reprise à son locataire. Il avance que son fils reprendra le logement. A l’expiration du délai pour quitter les lieux, le bailleur assigne le locataire, devenu occupant sans titre, afin que le juge ordonne son départ, et éventuellement son expulsion, ainsi que le paiement d’une indemnité d’occupation.

La locataire a un doute sur la validité du congé et demande son annulation.

Le juge estime que le fils n’a pas eu réellement l’intention de reprendre le logement et considère qu’il y a eu fraude du bailleur. En effet, quatre mois avant l’échéance du congé, le fils souscrivait un bail de location de trois ans, dont rien ne laissait penser qu’il s’agissait d’une résidence provisoire. De plus, en 2010, le bailleur avait délivré un congé vente sur le même logement.

Le juge estime que le congé est frauduleux, pas dans la forme mais au regard du motif invoqué. Il constate la poursuite du bail après échéance du congé.

>> Rappel : la loi Alur prévoit, pour les contrats conclus après le 27 mars 2014 et pour les contrats conclus avant depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 qui prévoit l’application de ces nouvelles dispositions à tous les contrats, la possibilité pour le juge d’exercer un contrôle a priori sur les congés. Dans cette situation, pour des questions d’application de la loi dans le temps, le juge n’a pu procéder qu’à un contrôle formel, se limitant à vérifier si la délivrance du congé résulte ou non d’une fraude avérée du bailleur.

 

o  TI Lyon, 30 novembre 2015, n°3371      

Madame, âgée de 81 ans, était locataire d’un logement depuis 40 ans. Un congé pour reprise au 30 septembre lui a été signifié par le propriétaire du logement. Compte tenu de ses ressources financières, Madame n’a trouvé à se loger qu’en dehors de Lyon.

Madame fait valoir que la bénéficiaire de la reprise, la petite-fille du propriétaire, n’est en réalité jamais venue occuper le logement, qui est resté inoccupé plusieurs mois avant d’être finalement de nouveau proposé à la location.

Deux ans après la date à laquelle Madame a dû quitter les lieux, elle fait assigner le propriétaire devant le tribunal afin que le congé pour reprise soit déclaré frauduleux.

Le juge constate que si le formalisme du congé a été respecté par le bailleur (nom et adresse du bénéficiaire de la reprise), il constate que le bénéficiaire de la reprise n’a jamais occupé l’appartement qui a subi des travaux et été reproposé à la location. Le juge considère que le bailleur savait que des travaux seraient nécessaires après 40 années d’occupation du logement, et cela n’est pas un motif valable pour justifier de l’occupation différée de sa petite-fille. D’autant plus que le juge constate que le propriétaire a utilisé le même procédé pour récupérer un autre appartement.

Il en conclut donc que le congé est frauduleux. Il condamne le propriétaire à payer à l’ancienne locataire la somme de 4 638 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel (coût du déménagement, du surcoût du nouveau loyer), et 6 000 € en réparation de son préjudice moral (du fait de son âge et de la durée d’occupation de ce logement). Pour information, le propriétaire a fait appel de cette décision.