L’application du droit européen pour garantir les droits fondamentaux des occupants de terrains

TGI Bobigny, réf., 24 janvier 2014, n°13/02254  

La propriétaire d’un terrain occupé sans titre demande au juge d’ordonner l’expulsion des occupants.
Le juge considère que les éléments de dangerosité de l’occupation, du fait notamment de la proximité des voies de chemin de fer et d’une station-service non surveillée, ne suffisent pas à caractériser l’urgence d’une mesure d’expulsion. L’extrême précarité dans laquelle vivent ces personnes et l’urgence sanitaire ne justifient pas non plus de l’urgence d’ordonner l’expulsion du terrain, dès lors qu’aucune solution de relogement n’a été trouvée.

Dans le cadre de l’examen de proportionnalité que doit opérer le juge afin d’évaluer la nécessité de prescrire des mesures de remise en état pour faire cesser le trouble que cause l’occupation sans titre, le juge rappelle qu’il procède à un examen de proportionnalité entre le respect du droit de propriété et le respect des droits fondamentaux des occupants (tels que consacrés notamment par la Convention européenne des droits de l’Homme et la CEDH), ici le droit des occupants à un domicile et au respect de la vie privée et familiale (cf. affaires Yordanova et Winterstein).

Le juge suit également le raisonnement de la CEDH en rappelant que « la perte d’un logement, aussi précaire soit-il, est une des atteintes les plus graves au droit au respect du domicile et de la vie privée et familiale ».

Le juge note le défaut d’application des dispositions de la circulaire du 26 août 2012 par les autorités.

Le juge ne fait pas droit à la demande de la propriétaire et n’ordonne pas l’expulsion des occupants, considérant que les droits fondamentaux des occupants doivent prévaloir sur le droit de propriété dès lors qu’une expulsion aurait des conséquences inhumaines et s’inscrirait « dans un contexte de multiplication des [expulsions] de ce type, lesquelles n’ont pour résultat que de déplacer les occupations illégales et de maintenir ainsi les personnes dans l’état de plus extrême précarité ».