Synthèse de jurisprudences concernant des demandes d’indemnisation à la suite d’évacuation à Marseille

Dans ces affaires, les locataires avaient alerté en vain et souvent à plusieurs reprises leur bailleur sur la présence de désordres dans leur logement, celui-ci avait par la suite été diagnostiqué comme insalubre par le service communal d’hygiène et de santé de la ville (souvent avec mise en demeure de réaliser des recherches sur les désordres et/ou d’y remédier). Les locataires ont ensuite subi une évacuation des lieux en urgence et un arrêté de péril sur le logement et/ou l’immeuble concerné a été pris. Certains de ces arrêtés font obligation expresse aux bailleurs de prendre en charge l’hébergement temporaire du locataire, outre les dispositions de l’article L521-3-1 du code de la construction et de l’habitation.

Les locataires saisissent le juge des référés pour obtenir l’indemnisation du préjudice subi et une injonction à leur bailleur, sous astreinte, de leur proposer une solution d’hébergement adaptée à leurs besoins, conformément à leur obligation.

Lorsque le bailleur a adressé des propositions d’hébergement aux locataires, selon les cas, le juge s’estime ou non investi du pouvoir de juger du caractère adapté aux besoins du ménage des propositions. Les traits saillants de chaque ordonnance sont décrits ci-après.

TI Marseille 31 janvier 2019

TI Marseille 31 janvier 2019 n12-18-002847

Dans ces deux affaires, les locataires avaient alerté à plusieurs reprises leur bailleur sur l’insalubrité du logement, sans effet. Le logement a été diagnostiqué comme insalubre, et dans l’un des cas les bailleurs ont été mis en demeure par la ville, en septembre 2017 et en mars 2018, de réaliser des travaux pour rendre le logement décent, en vain. Les locataires ont dû évacuer les lieux à la veille d’un arrêté de péril pris par la ville de Marseille le 13 juin 2018. Hébergés dans une chambre d’hôtel aux frais de leur bailleur, contraints de prendre leurs repas à l’extérieur, les locataires saisissent le juge des référés pour être indemnisés de leur préjudice de jouissance, et afin d’être hébergés par leur bailleur dans un logement décent correspondant à leurs besoins sous astreinte, dans l’attente d’un relogement ou d’une réintégration dans leur logement remis en état sur le fondement de l’article L511-3 du code de la construction et de l’habitation.

Le préjudice résultant de la non-réalisation des travaux prescrits est considéré par le juge comme avéré et justifie l’octroi d’une somme provisionnelle de 3000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation.

Concernant l’offre de logement incombant au bailleur, celui-ci oppose le refus de plusieurs propositions de relogement temporaire de la part des locataires depuis l’évacuation. Le juge des référés s’estime face à une contestation sérieuse sur la question de savoir si les logements refusés par les locataires correspondaient à leurs besoins, qu’il ne lui appartient pas de trancher.

TI Marseille 1 février 2019 n12-19-000158

Privés de tout accès à leurs meubles, vêtements et documents administratifs après avoir été évacués et hébergés dans une chambre d’hôtel sans possibilité de prendre ou préparer de repas, le ménage locataire, dont la femme est enceinte, saisit le juge des référés afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice et de se voir offrir une solution d’hébergement par la société bailleresse sous astreinte conformément à son obligation, sur le fondement des articles L511 et suivants, L521-3-1 du code de la construction et de l’habitation.

Alors que la société bailleresse dit accepter de reloger les locataires à ses frais et qu’un appartement correspondant aux besoins des locataires a été trouvé, leur hébergement n’a toujours pas été réalisé. La juge ordonne donc cet hébergement sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours après signification de la décision. Se pose la question de la responsabilité de la société gestionnaire, dont le juge des référés souligne l’absence de réponse écrite et le manque de réactivité. Le préjudice justifie l’octroi par la société bailleresse d’une somme provisionnelle de 1000 euros aux locataires au titre des dommages-intérêts en réparation.

TI Marseille 14 février 2019 n12-19-000140

TI Marseille 7 mars 2019 n12-19-000139

Dans ces affaires, les locataires avaient dénoncé des désordres dans leur logement à leur bailleur en février 2018, sans effet. En mars 2018, le service communal d’hygiène et de santé (SCHS) de la ville de Marseille a mis la société bailleresse en demeure de procéder à des recherches et de remédier aux désordres dans le logement, sans effet. Le syndic de la copropriété de l’immeuble où se trouvait le logement a été informé par la ville de l’ouverture d’une procédure de péril imminent le 15 novembre 2018, et les locataires ont été évacués en urgence le 16 novembre 2018. Un arrêté de péril imminent a été pris en décembre 2018, interdisant toute occupation et utilisation de l’immeuble et faisant obligation aux propriétaires de prendre immédiatement à leur charge l’hébergement des locataires.

Les bailleurs font état de leur diligence à rechercher la cause des désordres rencontrés, ayant sollicité un expert et une décision de l’assemblée générale des copropriétaires à ce sujet.

Hébergés provisoirement dans une chambre d’hôtel par leur bailleur, les locataires sont contraints de changer à plusieurs reprises de lieu d’hébergement, sans obtenir de proposition d’hébergement de leur bailleur correspondant à leurs besoins. La juge relève que les trois propositions proposées à l’un des ménages, précaires, ne correspondent pas à ses besoins et que les demandes de justifications des revenus et de caution adressées au ménage sont injustifiées au regard de l’obligation du bailleur de prendre en charge le coût de l’hébergement provisoire.

Ces ménages, composés d’une personne en situation de handicap et d’une assistante maternelle dont l’activité s’exerce à domicile et nécessite un logement, pour l’un, et d’une famille monoparentale avec un enfant de 4 ans, pour l’autre, ont subi un préjudice qui justifie l’octroi d’une somme provisionnelle de 1000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi.

Les bailleurs demandent reconventionnellement la condamnation de leurs locataires pour dégradation des logements en cause, mais cette demande tombe en l’absence d’état des lieux d’entrée et de sortie.  La juge ordonne leur relogement dans un logement décent correspondant à leurs besoins sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours après signification de la décision.

Concernant les loyers dus, la juge rappelle qu’en application de l’article L 521-2 du code de la construction et de l’habitation, le loyer en principal ou toute autre somme versée en contrepartie de l’occupation du logement cesse d’être due à compter du premier jour du mois qui suit l’envoi de la notification de l’arrêté ou de son affichage à la mairie et sur la façade de l’immeuble jusqu’au premier jour du mois qui suit l’envoi de la notification ou l’affichage de l’arrêté de mainlevée, et pas avant, quand bien même les locataires ont été évacués avant la prise d’arrêté.

TI Marseille 25 février 2019 n12-19-000013

Le ménage avait dénoncé le mauvais état du logement pris à bail auprès de leur bailleur et du service communal d’hygiène et de santé (SCHS) de la ville de Marseille, sans effet. Un plafond du logement s’est effondré en juin 2018, et le ménage a dû évacuer les lieux, accompagné des pompiers le 16 novembre 2018. Un arrêté de péril a été pris par la ville de Marseille en décembre 2018. Hébergés à l’hôtel, le ménage saisit le juge des référés afin d’être indemnisés de son préjudice de jouissance et relogé par le bailleur sur le fondement de l’article L521-1 du code de la construction et de l’habitation.

La société bailleresse fait valoir l’obstruction des locataires empêchant l’entrée dans les lieux pour les travaux dans le logement et présente différents devis sollicités à la suite de l’injonction de la mairie. Elle indique également avoir proposé une offre de relogement aux locataires. La juge estime la proposition en cause comme adaptée aux besoins du ménage d’après les critères de l’article L521-3-1 du code de la construction et de l’habitation, au regard du « contexte actuel de l’habitat dans la ville de Marseille et de la nécessité de reloger de multiples familles suite à l’effondrement de divers bâtiments sis rue d’Aubagne ». Elle considère donc que le bailleur a satisfait à son obligation de relogement.

 De plus, la juge rappelle que le bailleur est tenu de procéder aux travaux mis à sa charge par l’arrêté de péril dans l’intérêt des locataires, de sorte que ceux-ci ne peuvent se dispenser de restituer les clefs du logement sous réserve de convenir des modalités de remise des affaires restées dans le logement, sauf à engager leur responsabilité.  Elle ordonne cependant l’octroi aux locataires d’une somme provisionnelle de 2000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi.