Sans-abrisme/Conditions de dénuement extrême/Interdiction des traitements dégradants

CEDH, Grande Chambre, VM c. Belgique, 16 novembre 2017

Dans un arrêt du 7 juillet 2015, VM c. Belgique, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) reconnaissait que l’Etat belge, en laissant des personnes sans-abri à la rue, n’avait pas suffisamment pris en compte leur vulnérabilité, et avait manqué à son obligation de ne pas les exposer à des conditions de dénuement extrêmes, violant ainsi l’article 3 de la Convention (interdiction des traitements inhumains et dégradants).

Lien vers arrêt et résumé : http://www.jurislogement.org/2016-06-30-07-41-31/

L’Etat belge a demandé le renvoi de cette affaire devant la Grande Chambre de la Cour. Dans un arrêt définitif du 17 novembre 2016, la Cour constate que « les requérants n’ont pas maintenu le contact avec leur avocate et qu’ils ont omis de la tenir informée de leur lieu de résidence ou de lui fournir un autre moyen de les joindre. » Elle en conclut que « les requérants ont perdu leur intérêt pour la procédure et n’entendent plus maintenir la requête ». La Cour décide alors de rayer l’affaire du rôle.

Cet arrêt ne rend donc pas définitif l’arrêt rendu le 7 juillet 2015.


Commentaire

La Cour aurait pu décider de « poursuivre l’examen de la requête en considérant que le respect des droits de l’Homme garantis par la Convention et ses protocoles l’exigeait » ; parce que « d’importantes questions se trouvent en jeu » et que cette affaire « dépasse la situation particulière du requérant » (v. CEDH, 23 mars 2016, FG c. Suède). Dans l’opinion dissidente, certains juges regrettent également que la Grande Chambre n’ait pas profité de l’occasion pour « préciser ou ajuster le concept de ‘vulnérabilité’ ».

Dès lors que le premier arrêt VM c. Belgique n’est pas rendu définitif, il ne lie pas les juridictions internes. Cependant, le raisonnement au fond de la Cour, développé dans le premier arrêt, pourra être invoqué dans d’autres affaires, d’autant plus qu’il n’a pas été écarté par la Grande Chambre.

Ici, la Cour revient sur le premier arrêt en se fondant sur des éléments procéduraux (« les requérants n’ont pas maintenu le contact avec leur avocate », §36). Toutefois, la Cour ne remet pas en question l’interprétation des faits et la reconnaissance de la violation de l’article 3 de la Convention par l’Etat belge. Son raisonnement demeure fondé et pourrait dès lors être invoqué, voire retenu (comme cela a déjà été le cas par le Conseil d’Etat en Belgique par exemple pour d’autres arrêts), devant des juridictions internes.

Enfin, La Cour précise néanmoins que malgré un arrêt de Grande Chambre concluant à l’irrecevabilité de la requête, le premier arrêt demeure une « source of guidance » (décision CEDH, 18 octobre 2005, Banfield c. Royaume-Uni).