Mise en œuvre du principe d’inconditionnalité de l’accueil à Nantes

Décision TA Nantes 19-9-18 3350103

Décision TA Nantes 19-9-18, n°1808527

TA_Nantes_19092018

Plus de 600 personnes, majeurs en situation irrégulières ou mineures et isolées, vivent dans un square de la ville de Nantes. Un collectif d’associations et 10 requérants individuels saisissent le juge d’un référé liberté afin que soient prononcées des mesures permettant l’amélioration des conditions d’hygiène, mais aussi que la préfecture et l’OFII soient condamnés à organiser un recensement des personnes présentes sur le site et à organiser leur hébergement. La ville de Nantes saisit parallèlement le tribunal d’une demande tendant à l’expulsion des habitants du square. Elle entend proposer une mise à l’abri, à titre provisoire, de l’ensemble des occupants du square, quel que soit leur situation au regard de l’asile, afin de remédier à la saturation des dispositifs d’hébergement. Les deux affaires sont jointes.

Le tribunal constate sur le site des conditions de vie extrêmement précaires liées à un manque d’accès à l’eau, aux douches et aux toilettes, à un défaut de ramassage des ordures, à la présence de nuisibles et à des problèmes médicaux de nombreux occupants. Il en conclut que ces conditions de vie : « font apparaître que la prise en compte par les autorités publiques des besoins élémentaires des « migrants » vivant sur le site en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation en eau potable est manifestement insuffisante et révèle une carence de nature à exposer ces personnes de manière caractérisée, à des traitements inhumains et dégradants, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

 Au regard de l’urgence, le tribunal prend sa décision sur le siège. Il délivre une première décision ne comportant que le dispositif qui  prononce l’expulsion du site et enjoint à la préfecture et l’OFII de prendre en charge l’ensemble des personnes présentes sur le square quel que soit leur situation administrative au regard du droit d’asile et de les orienter dès que possible vers des dispositifs d’accueil correspondant à leur situation administrative.

Dans un second temps,  le tribunal rend deux ordonnances développant ses motivations quant à la demande d’expulsion de la mairie et aux demandes du collectif d’associations et d’habitants relatives aux obligations de la préfecture et de l’OFII.

Ces décisions sont particulièrement intéressantes puisqu’elles font une application stricte du principe d’inconditionnalité de l’hébergement en ordonnant une prise en charge de l’ensemble des personnes quel que soit leur situation administrative. Le tribunal administratif de Nantes s’inscrit à contre-courant de la jurisprudence et des pratiques actuelles qui tendent à détourner le principe d’inconditionnalité pourtant inscrit dans la loi. A noter cependant que la proposition de prise en charge faite par la ville a fortement favorisé cette décision favorable.