Les congés vente et reprise

Les congés vente et reprise (étude action 2012 – synthèse)

Etude-action : Les congés vente et reprise (version PDF)

L’accroissement du nombre de congés vente et reprise délivrés sur l’agglomération lyonnaise interroge sur les motifs et les effets de ce type de pratique d’expulsion dont la responsabilité n’est pas imputable au locataire et à ses défaillances éventuelles. Se pose la question de la pertinence du cadre législatif existant dans un contexte de pénurie et de spéculation immobilière.

Quelles réalités recouvrent ces pratiques  : A-t-on à faire à un contournement de procédure d’expulsion ? une stratégie spéculative? une stratégie d’éviction des ménages les plus pauvres ? Une nécessité liée à l’évolution de la situation personnelle ou financière du propriétaire ?
Quelles conséquences pour les ménages concernés ayant le plus souvent vécu une partie importante de leur vie personnelle et/ou familiale dans le logement pour lequel ils reçoivent congé?


> Problématique croissante dans l’agglomération lyonnaise repérée lors des permanences d’accueil de la Maison de l’Habitat et aux permanences APPEL de prévention des expulsions locatives : près du quart des locataires du parc privé reçus sur ces deux types de permanences depuis 2009.
>
Entre 7 et 10 % des motifs enregistrés par les commissions locales des Instances Locales de l’Habitat et des Attributions

 

Elément de méthodologie et échantillon

– Élaboration d’une grille d’analyse, permettant d’appréhender la question dans sa globalité (le ménage, le logement, le propriétaire, le congé) et dans ses différentes dimensions (sociales, techniques et juridiques) et de mieux saisir l’évolution de chaque situation dans le temps.

– 95 situations renseignées

– Suivi et accompagnement approfondi des ménages confrontés à un congé vente ou reprise : diagnostic de la situation socio-économique et juridique, médiation et/ou accompagnement de la phase contentieuse, accompagnement vers une solution de relogement, suivi du devenir des locataires dans leur nouveau logement

– 11 enquêtes menées sur le devenir et l’utilisation du logement libéré après départ du locataire

 

Résultats : autour des congés et de la nature du parc privé

La prégnance des congés vente (67% du total contre 33% de congés reprise) qui, au regard du contexte immobilier de l’agglomération, revêtent un caractère largement spéculatif.

> Des congés délivrés plutôt en zones attractives : 66% de congés délivrés sur Lyon et 11,5% sur Villeurbanne

> Des congés relevant majoritairement d’une stratégie visant à requalifier le bien : revente de lots, réajustement des loyers bas aux prix du marché, requalification d’immeuble, tentative de soustraction à une gestion locative lourde (en cas de demande de travaux de réfection, en cas d’impayés etc)

La perte de logements privés de centre ville peu onéreux et assurant une fonction sociale de fait.

> Des congés fréquemment appliqués à des petits logements (59% de studios, T1, T1 bis et T2)

> 70% des loyers des ménages concernés par un congé sont moins chers que les loyers appliqués sur l’agglomération (entre 4,7 et 7€/m2 sur les logements enquêtés)

> 58% des logements sont occupés par le même ménage depuis plus de 10 ans, ménages qui sont d’autant plus déconnectés de la réalité de la pénurie et des difficultés d’accès aux parcs privé et social au moment de la délivrance du congé.

> 27% des logements présentent des désordres allant du manque de confort à l’indécence voire sont non conformes aux normes d’habitabilité.

Des congés qui s’imposent à des locataires fragilisés pour qui la recherche d’une solution de relogement va s’avérer longue et compliquée, avec un recours massif au parc social.

> 58% ont des ressources faibles et précaires, 28% sont des retraités

> 45% de familles avec enfants, 17% de femmes seules, 13% de locataires sont âgés de plus de 70 ans

> Fréquence de difficultés supplémentaires : problème de santé, surendettement

 

Résultats : autour des procédures

le caractère inexorable de la perte du logement induit par la délivrance d’un congé, soit en raison d’un départ de l’occupant avant déclenchement de la procédure, soit en raison de la mise en œuvre d’une procédure.

des cadres législatifs inadaptés :

des délais (6 mois) qui ne sont pas calibrés avec les délais réalistes nécessaires à un relogement

 

Résultats : autour du devenir des ménages

Un parc privé qui n’offre que de manière très marginale des solutions aux ménages concernés : 5 relogements dans le parc privé non conventionné, contre 15 dans le parc HLM pour cet échantillon.

Un parc social saturé qui n’est pas en capacité de répondre à l’urgence des situations et aux délais impartis par la loi :

> 70% des ménages relogés de notre échantillon l’ont été entre plus d’un d’un an à plus de 2 ans après délivrance du congé

Des pressions réelles ou perçues comme telles, et un départ avant la fin des délais dans 16% des cas avec un recours fréquent à des solutions temporaires et précaires (hôtel, dépannage chez tiers) avec perte totale de statut locatif et nécessité de rechercher dans un second temps une solution pérenne.

Des relogements subis, difficiles à vivre pour une partie des ménages avec une perte des habitudes de vie et perte de confort (changement de secteur, réduction de la taille du logement supposant de se débarrasser d’une partie importante de son mobilier etc)

Des conséquences financières pour les ménages concernés : surcoût de loyer pour les relogements sur le parc privé, frais de procédures, déménagement, frais de garde-meubles pendant le période d’attente de relogement

 

Résultats : autour du devenir des logements

Des logements fréquemment vacants après leur libération, ce qui met l’accent sur la disproportion entre les conséquences humaines des procédures (notamment celles conduites jusqu’à exécution), leurs coûts sociaux (mobilisation des partenaires sociaux, associatifs, de la justice) et le devenir réel des logements.

La confirmation de l’existence de congés frauduleux et abusifs, utilisés pour contourner les cadres légaux, et la tentation de se " débarrasser" de locataires devenus indésirables.

> 5 congés reprise enquêtés : une reprise effective mais non conforme aux dispositions légales, 3 remises en location sur le marché, 1 logement vacant 3 ans après délivrance du congé.

> 4 des 6 congés vente enquêtés confirment des stratégies spéculatives et/ou abusives: vente à un prix bien inférieur à celui proposé au locataire, réajustement du loyer et remise en location, opération de reconversion d’immeuble et promotion immobilière

Les réticences et difficultés des ménages à engager un contentieux qui ne peut intervenir qu’après libération du logement

Or en la matière, la production de jurisprudences permettrait de mettre en lumière les enjeux de cette problématique, et de dissuader les propriétaires peu scrupuleux :

> 3 procédures engagées, une condamnation du propriétaire à payer des dommages et intérêts importants à son ancien locataire.

 

L’intégralité de l’étude et des préconisations sur le site internet de l’Alpil : www.habiter.org
Informations & contacts :
fanny.delas@habiter.org & francoise.fourmestraux@habiter.org