Arrêt CEDH – relogement de Gens du voyage

CEDH, 17 octobre 2013, Winterstein et autres c. France (requête n°27013/07)

26 familles de gens du voyage étaient installées depuis de nombreuses années sur un terrain dont certains étaient propriétaires, locataires ou occupants sans titre de parcelles. Le terrain était situé sur une zone naturelle à protéger selon le plan d’occupation des sols. Toutefois, cette réglementation n’était pas en vigueur au moment de l’installation sur le terrain de certaines familles, il y a 10/20 ans.

La commune a assigné ces familles devant le juge dans le cadre d’une procédure d’expulsion. Le juge a ordonné leur expulsion, confirmé en appel. Si à ce jour la commune n’a pas fait exécuter cette décision, la menace de l’exécution de la décision et de la liquidation de l’astreinte a poussé certaines familles à quitter le terrain, quelques familles ont bénéficié d’un relogement dans le parc social et d’autres attendent toujours des solutions de relogement, sur un terrain familial, selon leurs besoins. Si une MOUS avait été mise en place pour organiser le diagnostic des besoins en relogement des occupants, elle n’a conduit qu’au relogement de familles dans le parc social. Le projet d’aménagement d’un terrain familial a été abandonné au profit de la création d’une aire d’accueil.

Concernant les violations allégués par les requérants de leurs droits au regard de la Convention européenne des droits de l’Homme, la Cour conclut à la violation de l’article 8 seul et combiné avec l’article 14.

La Cour rappelle que « la notion de « domicile » au sens de l’article 8 de la Convention, ne se limite pas au domicile légalement occupé ou établi, mais qu’il s’agit d’un concept autonome qui ne dépend pas d’une qualification en droit interne. La question de savoir si une habitation particulière constitue un « domicile » relevant de la protection de l’article 8 dépend […] notamment de l’existence de liens suffisants et continus avec un lieu déterminé ».

La Cour considère que « le gouvernement a constaté la non-conformité de [la présence des occupants] au plan d’occupation des sols […] sans la mettre en balance avec les arguments invoqués par les requérants […]. Cette approche ne respecte pas le principe de proportionnalité de l’ingérence, conformément aux exigences de l’article 8 de la CEDH ».

Dès lors, la Cour conclut que « les autorités n’ont pas porté une attention suffisante aux besoins des familles qui avaient demandé un relogement sur des terrains familiaux ».

>> Carole Nivard, « La situation des Roms et des gens du voyage en France saisie par le Conseil de l’Europe », Revue des droits et libertés fondamentaux, octobre 2013